Ces pommes de terre racontent une histoire

23. septembre 2021

Elles s’appellent Parli, Röseler, Bleue de Saint-Gall, Franceline ou Blanche du Lötschental et sont ancestrales. ProSpecieRara protège ces variétés de pomme de terre traditionnelles indigènes afin de contribuer à leur préservation. À la ferme bio Obere Wanne à Liestal, Bâle campagne, quelque 20 variétés rares de pommes de terre ProSpecieRara sont cultivées. La diversité des arômes, des couleurs et des caractéristiques de cuisson est aussi intéressante pour les cuisiniers professionnels ou amateurs que pour les gourmets et les gourmands.

Cette année, néanmoins, tout est différent. L’agriculteur bio Dieter Weber de la Obere Wanne conseille même de renoncer au reportage sur les pommes de terre. La raison: la récolte a été une «catastrophe totale», comme il le dit en grinçant des dents. Cela ne l’empêche pourtant pas de raconter des histoires passionnantes. Entre autres sur son amour pour ces tubercules terreux et rares et sur ce que représentent plus généralement ces variétés anciennes de pommes de terre. Car nombre d’entre nous ignorent tout de cette énorme diversité de la pomme de terre. Les pommes de terre conventionnelles à cuire ou à rissoler, le plus souvent toutes du même calibre, sont sur-représentées dans le commerce de détail. Nous voulons en savoir plus et sensibiliser l’opinion publique à ce sujet. Ce qu’il ne faut pas oublier, en préparant cette année un plat de pommes de terre, c’est la situation générale tendue de tous les collègues du secteur de la pomme de la terre.

Dieter Weber, pourquoi la récolte de pommes de terre a-t-elle été aussi difficile cette année?
Les conditions climatiques ont été très mauvaises pour les pommes de terre. L’humidité et le froid de cette année ont entravé la croissance des pommes de terre et la pourriture du feuillage et des tubercules, qui a pu se propager grâce à un champignon aimant l’humidité, a finalement et malheureusement entraîné chez nous une perte de rendement allant jusqu’à 90 % pour certaines variétés. C’est un coup dur. C’est pour cela que nous considérons cette année notre récolte comme un échec total.

Comment gérez-vous ce revers et quelle influence cela a-t-il sur l’année prochaine?
Notre devise est la suivante: chez nous, les pommes de terre sont cultivées de manière naturelle, et nous nous y tenons! Nous renonçons donc au cuivre et aux pesticides lourds. Nous cultivons les pommes de terre de manière purement biologique et régénérative. Notre but est d’améliorer la fertilité des sols et d’augmenter sa teneur en humus. Chez moi, une pomme de terre et une pomme de terre et justement pour ce qui est des variétés anciennes, comme la Parli par exemple, je recommande: s’il vous plaît, mangez-les avec la peau! C’est pour cela que je ne veux que des pommes de terre saines, non traitées, et cela ne changera pas non plus à l’avenir. Cette année a été très difficile pour nous, mais il nous reste encore notre pays de la citrouille et le labyrinthe de maïs avec son jardin du chaos ainsi que de belles fleurs coupées. Ceci dit, pour les citrouilles aussi, la récolte a été très décevante par rapport à d’autres années. Même si au début, elles avaient un aspect magnifique. Par la suite, j’ai toutefois remarqué qu’il n’y avait presque que des fleurs mâles sur les plantes, alors que ce sont les fleurs femelles qui donnent les citrouilles. Malgré tout, nous avons pu aménager notre pays de la citrouille avec de nombreuses variétés, et nous y proposons aussi à la vente notre maigre récolte de pommes de terre sous la devise «Servez vous tant qu’il y en a».

Qu’est-ce qui vous amené à cultiver des pommes de terre ProSpecieRara, si originales et si rares?
J’ai eu une «révélation» un jour, il y a de nombreuses années, lorsque j’ai passé une nuit avec ma famille hors de chez nous près de Berne. Nous voulions préparer une raclette, mais il nous manquait encore les pommes de terre. Je suis donc allé faire les cours et là j’ai vu deux variétés ProSpecieRara Franceline et Parli, toutes petites et très chères (14 francs le kilo). Je les ai emportée en plus de la variété standard et en mangeant, ces variétés de pommes de terre anciennes nous ont complètement décoiffés. Très parfumées, terreuses, tout simplement comme une pomme de terre se doit d’être. Une explosion de saveurs comme il y a 40 ans! J’ai été complètement fasciné et j’ai arpenté le pays en long et en large pour acheter différentes variétés rares de pommes de terre que j’ai ensuite cultivées moi-même.

Que faut-il savoir d’autre sur les variétés rares de pommes de terre?
Parli, par exemple, est une variété de pommes de terre indigène de 250 ans originaire des Grisons, pas vraiment jolie ni parfaite d’un point de vue esthétique, mais savoureuses et originale. Mes variétés rares de pommes de terre sont comme elles sont et comme elles sortent de la terre: elles ne correspondent à aucun calibre conventionnel et nous les proposons telles que nous les récoltons. De toute façon, mon rendement est toujours inférieur à celui que j’aurais eu avec des pommes de terre conventionnelles et nous récoltons aussi vraiment beaucoup à la main. Cultiver ces variétés de pommes de terre est une passion et elles sont le trésor de notre cave. Il est même déjà arrivé que de vieilles dames aient les larmes aux yeux en voyant la variété ancienne Ackersegen dans notre tente aux pommes de terre. Autrefois, pendant la guerre, elles avaient un aliment de base – ces variétés anciennes de pommes de terre – que l’on ne trouve presque plus nulle part, aujourd’hui. Nous les préservons avec joie et passion.

La ferme bio Obere Wanne

Dieter Weber et Nadia Graber sont la septième génération à exploiter la ferme Obere Wanne. Ils ont repris la ferme en 1994 et l’ont convertie au bio. Les amateurs de raretés et les familles s’y rendent avec plaisir: le marché aux plants, rendez-vous printanier maintenant bien connu avec ses nombreux plants ProSpecieRara, le labyrinthe de maïs, l’aire de jeu, les quelque 80 variétés de citrouilles en automne, le paradis des fleurs et ses nombreuses plantes à couper soi-même et, enfin, les nombreuses variétés de pommes de terre rares font de la ferme bio Obere Wanne une destination d’excursion appréciée.

Entretien et rédacition: Maya Frommelt,  Images: Franca Pedrazzetti/Beat Brechbühl, ProSpecieRara, Maya Frommelt

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