La faune et la flore souffrent du réchauffement climatique. Il nous faut, d’une part, adapter nos systèmes de production, mais aussi mettre tout en œuvre pour faire progresser l’agriculture vers une véritable neutralité climatique. Par exemple, en recourant au charbon végétal et aux systèmes agroforestiers. Aujourd’hui, le FiBL peut aussi, pour la première fois, se consacrer davantage à la gestion des prairies. Celles-ci représentent en effet les deux tiers de la surface agricole utile en Suisse, et 60 % à l’échelle mondiale.
L’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) est l’un des établissements de recherche leaders en matière d’agriculture biologique. Cette année, il fête ses 50 ans. Knut Schmidke, Directeur de la recherche, de la vulgarisation et de l’innovation s’est prêté au jeu de l’interview.
Quels défis actuels le FiBL s’emploie-t-il à relever?
À quoi pourraient ressembler de telles stratégies d’adaptation?
La végétation doit développer une plus grande résistance à la sécheresse et à la chaleur. Il nous faut des plantes avec des racines plus profondes et qui assurent un meilleur rendement en été. Nos prairies doivent également produire davantage de nourriture pour les poules et les cochons. On pourrait, par exemple, développer une alimentation pour les poules pondeuses à base de trèfle blanc, afin d’atténuer la concurrence entre la production de nourriture pour les animaux et pour les humains.
Où se situe le FiBL sur la scène de la recherche pour le climat, en Suisse et à l’international?
Voilà près de douze années que le FiBL travaille sur le climat. Nous pouvons d’ores et déjà nous prévaloir de certains résultats. Par le passé, on a parlé d’économies respectueuses du climat. Aujourd’hui, on tend vers la neutralité climatique, et cela passe par une certaine autarcie énergétique. Dans la mesure du possible, il faudrait que les besoins en énergie soient couverts par des ressources disponibles directement sur l’exploitation, par exemple par le photovoltaïque, le biogaz ou la géothermie. Nos compétences en recherche sur l’agriculture biologique jouissent, de manière générale, d’une grande notoriété à l’échelle nationale et internationale. Notre collaboration est souvent requise dans le cadre de collectifs de recherche. Au cours de ces dernières années, la part moyenne des financements qui nous sont accordés en provenance des groupes de recherche européens, et leur nombre, ont connu une nette augmentation.
Qu’apporte la recherche biologique au FiBL?
La force du FiBL réside dans la recherche interdisciplinaire, les innovations développées conjointement avec les agricultrices et agriculteurs et le secteur de l’agroalimentaire, les projets de développement orientés solution et la rapidité du transfert de connaissances entre la recherche et la pratique.
Le FiBL soutient de développement de modèles d’agriculture d’avenir en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et en Europe de l’Est, dans le cadre de collaborations étroites avec les organismes partenaires sur place. Les chercheurs du FiBL réalisent des études de longue durée sur les méthodes de culture locales et biologiques, et apportent leur expertise en matière de développement du marché.
Quels autres champs de recherche prennent de plus en plus d’importance?
La transformation des systèmes alimentaires constitue également un champ de recherche majeur pour l’avenir. Que faut-il faire, au niveau de l’agriculture suisse, mais aussi dans l’ensemble de la filière alimentaire, pour répondre à la tendance qui va vers une alimentation plus végétarienne? Plus que jamais, il nous faut aussi garantir que la population mondiale puisse manger tout en respectant les limites de notre planète.
Lors de la Journée suisse des grandes cultures bio, vous avez déclaré que vous souhaitiez faire avancer le «système bio». Qu’entendiez-vous par là? Vouliez-vous sous-entendre, par exemple, par opposition à l’agroécologie?
Il n’existe pas de définition unique de ce qui constitue une approche agroécologique ou pas. L’utilisation d’un herbicide total peut-elle faire partie intégrante d’un système agroécologique? Scientifiquement parlant, il n’existe pas de réponse à cette question. En revanche, le bio, lui, est précisément défini, même d’un point de vue légal. De plus, l’agriculture biologique est probablement la meilleure des pratiques, au sein de l’approche agroécologique. Du moins, sur la plupart des aspects, à l’exception peut-être, pour l’instant, de l’aspect social. Le bio doit se faire le pionnier de l’évolution agroécologique.
Est-ce une manière, pour le FiBL, de mettre la barre encore plus haut pour les entreprises bio?
Notre but devrait être de développer davantage l’identité des produits bio pour qu’ils conservent leur importance aux yeux de la société et des politiques. Dans ce domaine, Bio Suisse fait office de pionnière, puisqu’elle cherche à affiner le profil des produits Bourgeon et communique sur la valeur ajoutée auprès de sa clientèle.
La recherche met des connaissances entre les mains des politiques. Que faire s’ils prennent des décisions en dépit du bon sens? La science peut-elle alors se mêler de politique?
Chaque chercheur peut, à titre personnel, s’engager à tout moment en politique. Mais en tant qu’institution, nous nous devons de garder une certaine distance. Notre mission première est de générer du savoir et de développer les systèmes. À partir de ce savoir et de notre expérience, le FiBL peut aussi tout à fait prendre des positions claires, comme nous l’avons fait, par exemple, en faveur de l’abattage à la ferme ou au pâturage. En effet, toutes les études scientifiques montrent qu’un allongement de l’intervalle de transport à 90 minutes est acceptable du point de vue de l’hygiène.
Un mot sur les nouveaux procédés de génie génétique: on ne connaît pas les risques, ni pour l’homme ni pour l’environnement. Quelle est la position du FiBL à ce sujet?
Il sera probablement impossible de répondre à toutes les questions qui restent en suspens au cours des dix années qui viennent. Je suis bien sûr de ces préoccupations. Le FiBL aimerait prendre un engagement, même politique, sur cette question. Mais nous laissons plutôt ce soin aux groupes d’intérêts comme Bio Suisse ou IFOAM, sur la scène internationale. Le FiBL se contentera d’une simple prise de position. En effet, si l’on ne souhaite pas intégrer les nouvelles techniques génétiques dans la pratique de l’agriculture biologique, il existe des arguments scientifiques qui peuvent appuyer cette décision et pourraient être avancés dans ce débat. Il faut répartir les rôles de manière claire.
Carte d’identité
Depuis avril 2020, Knut Schmidtke est Directeur de la recherche, de la vulgarisation et de l’innovation, fait partie de la direction tripartite du FiBL Suisse et est membre du comité directeur. Il a exercé auparavant comme professeur d’agriculture biologique et, de 2015 à 2020, en tant que vice-recteur chargé du développement et de la recherche à la Haute école de technique et d’économie de Dresde
Nous avons donné ici une version abrégée et légèrement adaptée d’une interview qui a été publiée dans le numéro de Bioactualités 1/23. La version longue est disponible en ligne. Rédaction: Stephanie Fuchs, Images: Bio Suisse, FiBL.