Acidité, douceur, jus et schorle

07. novembre 2022

Cette année, la quantité de fruits à cidre est moyenne mais la qualité est élevée. C’est ce que confirment, satisfaits, les responsables de Ramseier. Visite à la cidrerie de Sursee.

Des packs de six bouteilles de jus de pomme Ramseier sur le tapis roulant

Avant d'arriver dans les rayons des supermarchés, les boissons sont soumises à des tests intensifs.

Normalement c’est des camions qui font la queue. Ils livrent des fruits à cidre de toute la Suisse qu’ils ont chargés dans un des nombreux centres de réception de Landi. Mais aujourd’hui, par cette après-midi ensoleillée de septembre, ce sont surtout des productrices et producteurs bio de la région qui arrivent en colonne avec leurs véhicules agricoles à la cidrerie Ramseier à Sursee LU. Sur la place, une agricultrice bio s’appuie contre un pallox plein de pommes brêlé sur la benne arrière de son tracteur.

Pendant ce temps, un palettiseur à bascule charge un pallox de pommes rouges et vertes d’un autre agriculteur et le vide dans un grand silo. Pour déterminer les quantités livrées, les véhicules doivent être pesés avant et après le déchargement. Des collaborateurs en gilets fluos donnent des instructions et contrôlent la marchandise. Ils n’ont rien à ­reprocher.

Marco Clavadetscher de Ramseier

En tant que directeur du marketing et des ventes, Marco Clavadetscher est également membre de la direction de Ramseier.

Uniquement des fruits suisses

«Nous sommes très contents de la qualité de cette année», dit Marco Clavadetscher, 38 ans, responsable marketing et ventes de Ramseier. La canicule et la sécheresse de l’été ont certes provoqué une chute précoce des fruits et des diminutions de quantités, mais «la force de l’ensoleillement a rendu les fruits très aromatiques.»

L’odeur douce qui envahit le site de l’usine et les nombreuses guêpes qui se gobergent dans le silo soulignent cette affirmation. Selon les pronostics, Ramseier transformera en 2022 3000 tonnes de pommes à cidre bio et 500 tonnes de poires à cidre bio. Plutôt moyen. À titre de comparaison: Lors de l’année record 2018, c’étaient respectivement deux et trois fois plus. «Environ la moitié des fruits à cidre bio destinés aux cidreries industrielles suisses arrive chez nous», dit Marco Clavadetscher. C’est aussi valable pour les fruits conventionnels, dont le volume se situe entre 40 000 et 60 000 tonnes. Toute cette marchandise vient de Suisse.

«Nous sommes très contents de la qualité de cette année»
Marco Clavadetscher, DIRECTEUR DU MARKETING ET DES VENTES CHEZ RAMSEIER

Tradition bio cachée

À Sursee, la saison du cidre dure de mi-fin août à mi-novembre. À Oberaach, en Thurgovie, où Ramseier exploite une autre cidrerie avec la Landi Aachtal, tout commence deux bonnes semaines plus tôt. La filiale de Fenaco transforme des fruits bio depuis plus de 25 ans. «Nous avons la licence Bio Suisse depuis 1995», raconte Marco Clavadetscher. Le premier produit bio a été un jus de pomme clair pour la Coop.

Aujourd’hui, Ramseier, créée en 1910, produit trois boissons à base de jus de fruits bio: un jus de pomme direct, un schorle de pomme et un jus de pomme gazéifié. Ils sont vendus exclusivement par la Coop, sauf un par la Migros. Malgré ou à cause de cela le bio est inexistant sur le site web de Ramseier. «Nous communiquons en premier sur notre propre marque et moins sur les labels et les canaux de nos partenaires.»

Les pommes et les poires sont entièrement valorisées

Mais revenons à la cidrerie de Sursee, où le mercredi est toujours réservé à la production bio. Pour éviter les contaminations croisées avec des pesticides, toutes les installations sont préalablement rincées à l’eau froide. Les pommes à cidre bio sont entre-deux aussi rincées par milliers dans les canaux remplis d’eau qui les amènent à leur destination finale. Sauf quelques exemplaires pourris retirés par deux collaborateurs travaillant à une table de tri sur tapis roulant, les fruits sont d’abord broyés dans un moulin concasseur.

Après l’adjonction d’une enzyme microbienne (pectinase) qui assure entre autres un meilleur rendement en jus, la masse est amenée par des tuyaux dans quatre pressoirs hydrauliques rotatifs à filtres d’une capacité de 10 tonnes chacun. «Le pressage dure plus ou moins 80 minutes, au cours desquelles 10’000 kilos de fruits sont transformés en 8000 litres de jus», explique Marco Clavadetscher. Avec ses quatre pressoirs, Ramseier peut transformer chaque jour jusqu’à 640 tonnes de fruits à cidre en fonctionnant 24 heures sur 24. «Les drêches qui restent sont transformées an aliments pour animaux. Les pommes et les poires peuvent donc être mises valeur complètement, queue et pépins compris.»

Un chariot élévateur renverse des pommes dans un conteneur.

A Sursee, Ramseier exploite l'une des deux grandes cidreries. Pendant la saison, qui dure d'août à novembre, le mercredi est généralement réservé à la transformation des fruits à cidre bio.

Le goût de la nature

Un étage plus bas, le caviste de service nous invite à goûter une gorgée de jus de pomme tout frais. «Impossible de faire plus authentique», promet-il en remplissant à un robinet trois gobelets en carton. Le liquide trouble a en effet un goût plus intense que d’habitude. Il ne reste qu’à le pasteuriser pour avoir du jus direct prêt à être embouteillé. Selon les recettes on y ajoute d’abord encore du jus de poire «parce que c’est bon pour le goût», comme le formule ­Marco Clavadetscher. «En Suisse, la proportion de poire ne doit pas dépasser 10 pourcents si on veut appeler le produit ‹jus de pomme›.»

Pour en rester au goût: Il peut varier légèrement selon les années et les dates, quantités et qualités des récoltes. Cela reste finalement un produit naturel. Et aussi à base de variétés différentes: «Dans le secteur bio nous pressons surtout de la boscoop, de la Schneiderapfel et de la Bohnapfel.» S’y rajoutent Sauergrauech, Rainette, Rose de Berne et Grauer Hordapfel, pour ne nommer que quelques-unes des presque 15 variétés. «Un bon équilibre entre acidité et douceur est important pour le cidre doux», explique Marco Clavadetscher. Les fruits des arbres haute-tige ont un profil d’acidité particulièrement bon. Et leur pressabilité est aussi un facteur ­important.

Les concentrés maintiennent l'uniformité du goût

Si on veut qu’un jus de pomme ait un goût uniforme et stable au fil des ans, il n’y a pas d’autre solution que d’utiliser des concentrés qui sont mélangés et redilués en fonction du résultat voulu. Mais le Cahier des charges de Bio Suisse ne l’autorise pas. À une exception près: On peut utiliser des concentrés de jus de fruits à pépins si les jus de fruits sont dilués avec plus de 25 pourcents d’eau. Ce qui est le cas pour le schorle de pomme bio de Ramseier (40 pourcents d’eau gazeuse) et son jus de pomme Zisch bio (70 pourcents d’eau gazeuse). «Là nous avons donc la possibilité d’équilibrer d’une année à l’autre le goût de ces deux produits», précise Marco Clavadetscher. Autres avantages des concentrés: pouvoir produire toute l’année, c’est-à-dire aussi en dehors de la saison du pressage, et servir de tampon ou de réserve en cas de mauvaises récoltes.

Les bouteilles de Ramseier sur le tapis roulant

Des dizaines de milliers de bouteilles PET d'un demi-litre sont n un après-midi, des bouteilles de jus de pomme bio ont été remplies.

Quatre dégustations et une analyse

Mais on est encore dans la saison du pressage et, dans les halles d’embouteillage de Sursee, qui représentent ensemble la surface d’un terrain de football, cet après-midi on remplit, étiquette et rassemble en six-packs des dizaines de milliers de bouteilles en PET d’un demi-litre avec du schorle de pomme bio. Pour des raisons de concurrence, Marco Clavadetscher ne veut pas révéler combien Ramseier produit exactement de schorle bio, de zisch bio et jus de pomme bio. Les clients concernés n’aimeraient pas ça. Cependant, si on prend l’ensemble de la production de jus de fruits de Ramseier, donc aussi sa production conventionnelle, sa production annuelle se monte en moyenne à 40 millions de litres, soit 16 piscines olympiques.

Avant qu’un produit Ramseier quitte le site, sa qualité a été vérifiée cinq fois: quatre fois en dégustation et une fois en laboratoire. Le premier contrôle de qualité est effectué par le caviste, qui déguste le jus directement du pressoir; la deuxième dégustation s’effectue sur l’installation de mise en bouteilles; la troisième quand la bouteille remplie arrive au bout du tapis roulant. «La quatrième et dernière dégustation se fait le jour suivant par une équipe spécialisée», dit Marco Clavadetscher. Cette instance comprend des employés de la préparation des boissons, de la production, de l’assurance-qualité et du département marketing et vente. Si le groupe de testage trouve que le produit est bon et que les valeurs de laboratoire sont aussi en ordre, il est libéré. «Le fait qu’un lot soit stoppé au dernier moment et doive être détruit est extrêmement rare», ajoute Marco Clavadetscher.

Les prix vont augmenter

Au sujet du développement de nouveaux produits, Marco Clavadetscher dit que Ramseier en discute régulièrement avec les acheteurs. Les possibilités sont cependant limitées vu que l’assortiment de boissons est âprement disputé dans le commerce de détail suisse. Ce qui fait le plus mal au ventre à Ramseier est cependant la situation politico-économique mondiale. En ce moment tout devient plus cher, des matières premières et de l’énergie aux transports en passant par la production et l’emballage. Les conséquences ne sont pas encore prévisibles, mais une chose est claire pour Marco Clavadetscher: «Nous ne pourrons pas éviter une augmentation des prix.»

TEXTE ET PHOTOS : RENÉ SCHULTE (EXTRAIT DE BIOACTUALITÉS 8/22)

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