Le meilleur moyen – et souvent le seul – de mettre en valeur les céréales anciennes est la vente directe. Les céréales anciennes refont surface après des décennies de somnolence dans les banques de gènes. S’agit-il d’une mode passagère alimentée par des consommateurs et des consommatrices en mal – surtout intestinal – d’authenticité ou d’un contre-courant croissant pour sortir du pétrin de la globalisation? Voici quelques pistes de réponses par des amoureux du bon pain qui n’ont pas peur de mettre la main à la pâte.
Le cercle des fournisseurs s’élargit
«Dans notre région marginale pour les grandes cultures, ces céréales anciennes sont très bien adaptées. Mes collègues et moi n’avons jamais misé sur un rendement maximal et nous nous sommes mis à cultiver ces céréales par idéal», confie Elie Grosjean. Dans ses terres argileuses et assez riches en raison d’une charge suffisante en bétail, il cultive l’engrain sans fumure en dernière place dans la rotation afin de limiter le risque de verse. Il teste également des variétés d’amidonnier et d’épeautre.
Olivier Hofmann, en sa qualité d’acheteur de sa production, est également intéressé par la variété de blé Scaro. «Bien que retirée de la liste des variétés recommandées, j’ai fait d’excellents essais de panification avec cette variété et je compte m’approvisionner directement chez mes producteurs pour moudre moi-même la farine destinée à mon assortiment conventionnel», nous confie le boulanger. L’année dernière, deux autres agriculteurs bio de la région sont venus grossir les rangs des fournisseurs d’Olivier Hofmann.
La farine fraîche a davantage de goût
de type bise claire ainsi obtenue est travaillée immédiatement. Cette fraîcheur lui confère davantage de goût et permet de réduire la quantité de sel de 20 % dans le pain.
Olivier Hofmann confectionne peu de pain complet avec les céréales anciennes car le son, bien que bénéfique pour ses fibres, est un ballast qui entrave une bonne assimilation des nutriments. Les pains à base de céréales anciennes sont tous confectionnés avec du levain. Ce dernier, de par sa composition, son acidité et la pousse (fermentation) lente qu’il requiert, assure une excellente assimilation des minéraux, dégrade mieux le gluten et permet au pain de se conserver plus longtemps. «J’ai procédé à de nombreux essais pour obtenir des levains spécifiques pour chaque type de pain et je suis très satisfait du résultat, tout comme mes clients», se réjouit Olivier Hofmann.
La diversité est source de plaisir
Auparavant, Caroline et Fabien géraient une ferme de la fondation «Terre de Liens» en Savoie où ils mettaient déjà en valeur leurs céréales en fabriquant du pain. Pour démarrer leurs cultures de céréales anciennes en 2007, ils ont notamment pu obtenir des semences à partir du «Réseau Semences Paysannes», très actif en France pour le maintien de la biodiversité. «Dans la sélection classique des céréales, on a oublié les critères du goût et de la couleur, trop souvent remplacés par des adjuvants dans les farines», relèvent-ils. «C’est ce qui me plaît tant dans la meunerie et la boulangerie artisanales: composer des farines et des pains qui permettent d’exprimer la diversité de toutes ces variétés, tant au niveau du goût, de la couleur que de la tenue de la pâte», s’engoue Fabien Thubert. D’ailleurs, il estime qu’il y a encore un grand besoin de recherche au niveau des céréales anciennes. «Il est important d’avoir une population de céréales adaptée au terroir, de mieux connaître leurs propriétés nutritives, boulangères et agronomiques. Pour moi, le plus important est d’avoir du plaisir à cultiver des blés qui ne soient pas tous gris et raccourcis à la même hauteur, mais avec des populations disparates, des épis barbus et non barbus, et surtout des couleurs flamboyantes. Il faut retrouver les blés d’or dans nos champs!» Comme quoi, avec les céréales anciennes, il n’y a pas que le blé qui compte!
Photographies: Christian Hirschi