Le bio doit à long terme faire partie de la normalité. Balz Strasser explique en interview ce que fait Bio Suisse pour atteindre cet objectif et pourquoi le succès du Burgeon est tout d'abord celui des agricultrices et des agriculteurs.
Monsieur Strasser, vous avez achevé votre première année complète à la direction de Bio Suisse. Quel est votre bilan?
Il est très positif. Le bio gagne en importance et je m’en réjouis. Pour la première fois, les parts de marché dépassent les 10% au niveau suisse. Et le fait que la Suisse romande dépasse pour la première fois la Suisse alémanique me fait très plaisir en tant que Biennois. L’année dernière, les denrées alimentaires bio ont généré un chiffre d’affaires de 3,23 milliards de francs – ce qui correspond à une hausse d’un milliard en cinq ans. Les 7’300 agricultrices et agriculteurs de notre association contribuent à ce développement. Ils font confiance au Bourgeon. L’année dernière seulement, 300 exploitations ont compris les avantages du Bourgeon et sont passées au bio.
Qu’est-ce qui vous a surpris en 2019?
Surpris n’est peut-être pas le terme exact. Mais je suis toujours fasciné par la force de notre association. Il s’agit d’un côté du secrétariat de Bâle où nos 70 collaboratrices et collaborateurs font un travail fantastique en étroite collaboration avec les comités d’association. Et d’autre, nos membres, nos productrices et nos producteurs qui s’engagent chaque jour pour une production entièrement durable des denrées alimentaires. Le Bourgeon est leur marque. Ce formidable succès leur revient en premier car c’est le fruit de leur travail, de leur respect attentif des valeurs qui en découlent.
Ces derniers temps, en allant dans les magasins et en feuilletant les journaux, nous avons l’impression que le bio fonctionne tout seul. Les consommateurs achètent le Bourgeon de toute façon.
C’est exact, le Bourgeon jouit d’une grande confiance. Nous en sommes très reconnaissants. Il est beau de voir le chemin parcouru depuis notre création il y a près de 40 ans. Le fait que de nombreux magasins de ferme ne parviennent actuellement pas à répondre à la demande est un phénomène passager lié à la crise du coronavirus. Il ne faut pas oublier que tous les agriculteurs qui, en temps normal, vendent leurs produits sur les marchés hebdomadaires, doivent trouver à court terme de nouveaux canaux.
Vous ne croyez donc pas que la situation actuelle amplifiera le boom du bio?
Nous ne pouvons pas encore le dire aujourd’hui. Nous voyons aujourd’hui que des thèmes tels que l’alimentation saine et le développement durable gagnent actuellement en importance. Les élections de l’automne dernier l’ont montré elles aussi. Si nous nous basons sur ce critère, nous voyons qu’il existe toutefois encore un écart important entre le comportement aux urnes et dans le commerce.
Comment souhaitez-vous combler cet écart?
Les agricultrices et les agriculteurs sont prêts, ils se voient comme partie de la solution pour créer un système d’alimentation qui protège les eaux, augmente encore le bien-être animal et soutient la biodiversité. Mais ils ne peuvent produire autant que ce qui est également acheté – leur travail doit en effet être rémunéré équitablement. L’année dernière, nous avons assisté à une surabondance de lait, de céréales panifiables et de viande de porc sur les marchés qui a entraîné une pression sur les prix. Il revient à Bio Suisse de maintenir l’équilibre des marchés. C’est pourquoi nous souhaitons soutenir les ventes avec des mesures ciblées.
Du bio sur commande? Vous ne pouvez pas imposer aux consommateurs ce qu’ils doivent acheter.
C’est vrai. Les enquêtes montrent toutefois que le développement durable est plutôt important pour huit personnes sur dix en Suisse. Et, malgré tout, nous ne sommes parvenus à passer la barre des 10% de parts de marché que cette année. Il doit donc y avoir une autre raison.
Les prix? J’entends parfois que le bio est un produit de luxe.
Les prix sont un sujet récurrent. Comme bien souvent, il existe là aussi deux points de vue. D’un côté, les producteurs qui attendent une rémunération équitable pour leur travail et d’un autre les consommateurs qui cherchent de bons produits abordables. Selon nous, les prix ne font pas obstacle au développement du bio. Permettez-moi de vous expliquer rapidement. Nous savons que 57 % des consommatrices et des consommateurs achètent du bio tous les jours ou plusieurs fois par semaine. C’est super! Ils prennent le train pour se rendre au travail le matin et s’achètent un croissant pour le trajet. À midi, ils mangent à la cantine et le soir, ils s’offrent un sachet de chips au kiosque. Le bio est pour ainsi dire inexistant dans la vente à l’emporter, la restauration collective et les kiosques. Nous voyons là un potentiel important.
Balz Strasser est directeur de Bio Suisse depuis novembre 2018. Il a 45 ans et vit avec sa famille à Evilard (BE).
Interview: David Herrmann, Photo: Marion Nitsch