Dans son atelier personnel à Oberkirch, à proximité de Sursee Lucerne, les choses vont à un rythme plus tranquille. Sabine Dambach est ici chez elle et se consacre à son art céramique au sous-sol. Malaxer, désaérer, tourner, rejeter, recycler et tout recommencer: tel est l’art de la poterie au tour. Cette fois-ci, une argile spéciale est utilisée: elle a été obtenue à partir de la terre saine de la ferme bio voisine, le NaturGut Katzhof.
Un sol sain n’est pas seulement crucial dans l’agriculture. «Il est notre moyen d’existence», considère l’agricultrice bio Claudia Meierhans de la ferme bio NaturGut Katzhof. De la terre vitale et vivante a été extraite du champ de pommes de terre bio et mélangée à de l’argile par Sabine Dambach, designer en céramique, pour ensuite être transformée en magnifique céramique. En savoir plus sur la démarche et sur l’art du «lien à la terre».
Le lien avec la terre
Le quotidien de l’agricultrice bio et celui de l’artiste en céramique, aussi différents soient-ils, ont une chose en commun: la terre. Toutes deux ont «les mains dans la boue» et aiment ça, chacune à sa façon. Tandis que, au NaturGut Katzhof, le sol est travaillé de manière régénérative et que les carottes sont extraites du sol vital à la force des bras et des pelles, l’artiste potière crée avec grand soin un art céramique de toute beauté, qui contient précisément cette terre. L’expression «Du champ à l’assiette» prend ainsi une nouvelle signification.
Voici comment la poterie et le développement durable interagissent
«J’ai été ravie que l’on me propose d’utiliser la terre d’une ferme bio régionale comme argile pour créer des services de vaisselle», nous confie Sabine Dambach. Un autre matériau que de la terre bio n’aurait d’ailleurs pas du tout convenu à cette céramiste de 43 ans. Le principe du développement durable traverse sa vie et se reflète également dans sa manière de travailler: l’énergie dont le four a besoin provient de sa propre installation solaire sur le toit de la maison. Le matériel d’emballage lui est fourni par un label ami de la région de Lucerne. Elle a renoncé à l’utilisation d’autocollants et préfère travailler avec des tampons. Sa vie se limite à ce qui est important. Elle veut créer quelque chose qui a de la valeur et qui dure. D’où la céramique dans un style minimaliste, intemporel. La potière veille très attentivement à une utilisation consciencieuse des matériaux et à ne pas gaspiller l’argile. Tout ce qui ne réussit pas du premier coup ou est laissé de côté lors du tournage est collecté et réutilisé. La production de masse lui est étrangère. Elle privilégie la création de petites, mais remarquables, collections, parfois disponibles à la vente dans sa boutique en ligne. Les grandes commandes ou les services d’assiettes sont produits uniquement sur précommande. Elle aspire à une gestion scrupuleuse des ressources et souhaite éviter la surproduction.
Son interview révèle de nombreuses informations sur la démarche consistant à faire de la poterie à partir d’une terre bio saine. La terre provenant du NaturGut Katzhof a permis de créer magnifiques services en céramique, qui peuvent être gagnés en toute exclusivité chez Bio Suisse.
Sabine Dambach, quelle a été votre démarche pour fabriquer de la vaisselle à partir d’un sol vivant?
C’est tout à fait particulier et cela induit quelque chose de nouveau en moi. L’argile est en définitive un morceau de terre, et le fait de mélanger celui-ci à un sol fertile de la région me ravit! La démarche s’est avérée passionnante. Comment réagit l’argile destinée au tournage lorsqu’elle est mélangée à une matière organique? À quelle température peut-elle être cuite? Les pièces risquent-elles d’éclater? Cela a soulevé des milliers de questions, auxquelles j’ai pu répondre petit à petit en effectuant de nombreux tests. J’ai d’abord compacté la terre du NaturGut Katzhof pour la désaérer, puis je l’ai tamisée et malaxée de sorte à obtenir mon argile standard. Il m’a fallu soigneusement malaxer, frapper et couper les morceaux d’argile avant de pouvoir obtenir une masse homogène qui soit utilisable sur le tour de potier. Je suis très heureuse de tenir enfin le résultat dans mes mains!
Quel est votre lien avec la terre?
L’argile est mon élément et elle m’accompagne depuis toute petite. Je suis fascinée par ce qui peut surgir d’un simple morceau de terre. Les possibilités sont infinies. J’ai grandi dans une ferme à la campagne et j’adorais jouer avec le sable, la terre, je modelais la glaise. J’aimais également expérimenter avec différentes méthodes de travail. Au début, je créais des sculptures et je confectionnais des récipients à la main, sans tour électrique. Depuis 2018, je suis une inconditionnelle de la poterie au tour. J’essaie de créer des choses qui embellissent et partagent notre quotidien. Je suis une faiseuse: autodidacte, j’apprends énormément par «essais et erreurs» et j’explore sans cesse de nouveaux aspects et de nouvelles possibilités sur la manière de travailler avec l’argile. Il s’agit d’une véritable boîte à trésors et rien ne peut arrêter mon instinct de découverte. Je suis tellement reconnaissante d’avoir la possibilité de créer à partir de la terre toutes ces choses de mes propres mains! Je récupère aussi de la terre, des pierres ou de la glaise dans de beaux endroits du monde en vue de les incorporer à mes pièces en céramique. Par exemple des pierres des Grisons pour un vase.
Que ressent-on lorsque l’on travaille cette argile spécialement préparée à partir de la terre bio du Katzhof?
Il s’agit d’un travail très sensible, appliqué. Lorsque le morceau d’argile tourne entre mes mains, je sens ce que mes mains doivent faire afin de créer le récipient souhaité. C’est une chose impossible à programmer ou à prérégler. Ce sont mes mains, en contact avec l’argile en mouvement, qui déterminent ce qui va surgir du morceau d’argile. Je suis tout entière, corps, âme et esprit, dans l’instant présent. J’aime travailler les mains dans l’argile, j’en perds la notion du temps et de l’espace. L’argile obtenue à partir de la terre bio du Katzhof présentait une texture légèrement différente, car elle contenait des fragments de terre. Elle était un peu plus granuleuse que d’habitude. Comme un corps brut en argile chamottée, pour ainsi dire.
Avez-vous noté autre chose lors de la création du service de vaisselle à partir de sol vivant?
Les préparatifs et les travaux de préparation de l’argile ont été plus contraignants, car il a fallu mélanger l’argile à la terre. J’ai en outre cuit la vaisselle en grès à une température plus basse que d’habitude.
L'artiste
Sabine Dambach est née en 1978 à Oberkirch, dans le canton de Lucerne. Enseignante diplômée pour le degré primaire, elle s’intéresse de manière approfondie à l’argile comme élément durant sa formation. En 2017, elle fonde son label de céramique dabisabi et se dédie désormais entièrement à son art de la poterie. Outre les objets, les vases et les lampes faits à la main, elle crée également de la céramique utilitaire, tournée sur son tour, et transmet ses connaissances du travail de l’argile dans le cadre de cours de tournage et d’ateliers.
Rédaction et entretien: Maya Frommelt, Images: Luc Kämpfen und Maya Frommelt